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Wednesday
Mar302011

Semer la reconstruction ou la destruction?

Enquête sur la distribution de semences post-12 janvier, dont les semences Monsanto

Port-au-Prince, Mars 29, 2011 - L'année dernière, des dizaines de milliers de tonnes d'outils, de semences et de boutures de plantes ont été distribuées à près de 400.000 familles paysannes haïtiennes, soit entre un tiers et la moitié de la population agricole du pays.

Le programme, qui a couté $ 20 millions de dollars, a été lancé par l’Organisation pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO), qui l’a mis en œuvre en collaboration avec les « Organisations Non Gouvernementales internationales » ou « ONGI » comme Oxfam, l'USAID, le Catholic Relief Services, ainsi que le Ministère de l'agriculture. L’initiative a été prise dans le cadre des actions qui ont suivi le tremblement de terre du 12 janvier 2010.

Lançant un cri d’alarme à propos des risques de « crise alimentaire », la FAO et les grandes ONGI ont exhorté les bailleurs de fonds à acheter des semences et des outils destinés à aider les familles d'accueil de plus de 500.000 réfugiés qui avaient fui la capitale et d'autres villes détruites.

Partie 1 du documentaire vidéo

« La logique derrière [cette distribution] c’est que, dans les zones sinistrées et dans celles qui ont reçu un grand nombre de personnes déplacées, les paysans ont perdu leur capital », selon Francesco Del Re de la FAO. « Ce n’était pas une distribution générale. C’était une distribution bien ciblée, dirigée vers les plus vulnérables. »

Le géant agroalimentaire Monsanto a également offert 475 tonnes de maïs et de semences de légumes hybrides, qui devaient être distribuées essentiellement par le programme agricole phare de l'USAID - WINNER (Watershed Initiative for National Environmental Resources). (Malgré des sollicitations réitérées, Ayiti Kale Je s'est vu refuser une entrevue. Il est difficile de savoir si l'ensemble des 475 tonnes est arrivé en Haïti, et quelles communautés ont reçu des semences.)

La plupart des acteurs conviennent que les distributions d’urgence immédiatement après le tremblement de terre avaient certains aspects positifs, mais Ayiti Kale Je a décidé d'examiner de plus près.

Partie 2 du documentaire vidéo

Au cours de cette enquête qui a duré trois mois, les journalistes des radios communautaires, de la Société pour l'Animation de la Communication Sociale (SAKS) et de l’agence en ligne AlterPresse ont découvert des éléments controversés, des informations concernant de mauvaises récoltes, des risques environnementaux et sanitaires, et un danger d’accroissement de la dépendance.

Lire notre série en cinq parties : Semer la Reconstruction?

Lire notre série en quatre parties : Monsanto in Haïti

Régarder notre vidéo en deux parties : http://www.youtube.com/ayitikaleje

Ici, quelques unes de nos découvertes:

•    En dépit des cris d'alarme à propos des « agriculteurs qui consomment leurs semences », une étude multi-agence sur la sécurité des semences, pilotée par la chercheuse Louise Sperling du Centre international d'agriculture tropicale (CIAT), a déterminé que «contrairement à ce qui se passe à peu près partout ailleurs dans le monde, ‘manger et vendre des semences’ ne constituent pas des signaux de détresse en Haïti. Ce sont des pratiques normales. » L'étude indique qu'il n'y avait « pas d'urgence de semences » en Haïti et a recommandé, en juin 2010, de ne pas procéder à des distributions, en proposant que les familles d'accueil reçoivent de l’argent pour acheter des semences locales, et de se pencher sur d’autres besoins urgents.

•    Même si l'étude sur les semences a également prévenu qu’« on ne devrait jamais introduire dans un contexte d’urgence de nouvelles variétés qui n’ont pas été testées sur le site agroécologique en question et dans les conditions de gestion des paysans », le ministère de l'Agriculture a approuvé le don de 475 tonnes de semences de variétés hybrides de Monsanto, en contradiction directe avec la loi haïtienne et les conventions internationales qui visent à protéger le patrimoine génétique et l'écosystème en général.

•    Bien que l'USAID / WINNER tente de dissimuler son travail derrière des règlements internes qui empêchent les employées de parler avec des journalistes, Ayiti Kale Je a découvert qu'au moins 60 tonnes de variétés de maïs hybride et de semences de légumes Monsanto et Pioneer ont, entre autres, été distribuées et ont été activement promues. Dans un rapport interne obtenu par l'équipe d'enquête, le personnel USAID / WINNER écrit :

« Malgré toute une campagne médiatique contre les hybrides, sous couvert d’OGM/Agent Orange/Round Up, ces semences ont été utilisées presque partout, le vrai message est passé, bien qu’à un niveau en deçà de nos espérances » et « nous travaillons actuellement le plus vite possible avec les paysans afin d’augmenter autant que possible l’utilisation des semences hybrides. »

•    Au moins certains des groupes de paysans qui ont reçu les semences Monsanto et d'autres hybrides de maïs et d'autres céréales ont une faible compréhension des implications de l’utilisation des semences hybrides. (La plupart des agriculteurs haïtiens sélectionnent des semences de leurs propres récoltes.) L'un des « Paysans Vulgarisateurs » formé par l'USAID / WINNER a confié à Ayiti Kale Je que dans sa région, les agriculteurs n'auront plus besoin de conserver des semences :

« Ils n'ont pas à se tuer comme avant. Ils peuvent planter, récolter, vendre ou manger. Ils n'ont pas plus à conserver des semences, parce qu'ils savent qu'ils vont en obtenir à partir du magasin [WINNER-subventionnées]. »

A propos de la fin prévue des subventions lorsque le projet arrive à terme (dans quatre ans), le paysan n’a pu fournir aucune réponse logique.

•    Au moins certains des agriculteurs interrogés ne semblent pas comprendre non plus les risques sanitaires et environnementaux qu’impliquent l’utilisation des semences traitées avec des fongicides et herbicides. Dans au moins un endroit, il est tout à fait possible que les agriculteurs utilisent les semences sans porter des gants, masques et autres objets de protection. Également, – jusqu'à l’intervention de Ayiti Kale Je – ils avaient l'intention de broyer les graines toxiques et en faire des aliments pour les volailles.

•    Même si la plupart des personnes déplacées (66 pour cent) étaient revenues dans les villes vers la mi-Juin, les distributions de semences ont continué tout au long de 2010 et en 2011. Lorsque Sperling, la chercheuse chercheur de CIAT, appris cette information, elle a souligné à Ayiti Kale Je que

« l'aide directe en semences – lorsqu’elle n'est pas nécessaire, et pratiquée de manière répétitive – constitue un préjudice réel. Il sape les systèmes locaux, crée des dépendances et étouffe tout véritable développement du secteur commercial. »

Elle a ajouté que certains acteurs humanitaires « semblent voir dans l’offre d'aide en semences une manière facile de se financer, même si leurs actions peuvent nuire aux agriculteurs pauvres. »

•    Dans quelques endroits à travers le pays, les semences n’ont pas été bien recues. « Je voudrais dire aux ONG que le fait que nous sommes le pays le plus pauvre ne signifie pas qu'ils doivent nous offrir n’importe quoi comme aide », a dit Jean Robert Cadichon, un agriculteur mécontent de Bainet (Sud-Est).

•    Alors que des projets sont mis en œuvre pour tenter d'améliorer le système semencier en Haïti depuis au moins les trois dernières années, à ce jour le Service National Semencier (SNS) du Ministère de l'Agriculture se compose seulement de deux membres de personnel.

•    La plupart des projets d'amélioration des semences, et les distributions de semences répétées (qui ont commencé après les ouragans en Haïti en 2008) sont financés principalement par la FAO et les ONGI, qui les exécutent également, en lieu et place du Ministère de l'Agriculture. Emmanuel Prophète, directeur de la SNS, a dit à Ayiti Kale Je que lorsque les paysans utilisent des variétés améliorées de semences, la production augmente, mais

« le système est basé sur une subvention ... Vous devez vous poser des questions sur la durabilité, parce que si la politique change d'un jour a l’autre, où est-ce que les paysans vont-ils se procurer des semences ? ... Nous allons arriver à un point où, un jour, nous aurons beaucoup de semences, et puis, tout à coup, quand toutes les ONG seront parties, nous n’en n'aurons plus du tout. " 

 Lire notre série en cinq parties : Semer la Reconstruction?

Lire notre série en quatre parties : Monsanto in Haïti

Haiti Grassroots Watch/Ayiti Kale est un mutuel d’information et d’investigation sur la reconstruction, qui implique l’agence en ligne AlterPresse du Groupe Médialternatif, la Société d’Animation de la Communication Sociale (SAKS), le Réseau des Femmes dans les Radios Communautaires (REFRAKA) et quelques radios communautaires.

 

Thursday
Jan132011

12 janvye 2011 • 12 janvier 2011

Ayiti Kale Je pa t fè yon envestigasyon for 12 janvye. Li te ranmase repotaj patnè Ayiti Kale Je t ap fè pandan li te bay yon kout men, tou. Li, gade, tande.

Ayiti Kale Je n'a pas de mener une enquête pour le 12 janvier. Le partenariat réunit les travaux de ses membres et a donné un coup de main, aussi. Lire, regarder, écouter.


SAKS

Li - Kilè nap soti nan kout chapo, omaj pou n pase nan aksyon? editoryal Sosyete Animasyon Kominikasyon Sosyal - kreyòl

Tande oswa telechaje - Pwogram nouvèl espesyal Pawòl nan Lari 12 janvye
2 pwogram Kat Je Kontre magazin:
1.) avèk ekonomis Kami Chalmès (Camille Charlmers)
2.) avèk Pyè Esperans (Pierre Esperance) ak Salvatò Sanviktò (Salvatore St. Victor)
- kreyòl


AlterPresse

Lire - Quel plan pour le (re-)logement? - français

Lire - Fort National, entre les gravats… et le doute - français

 

Ayiti Kale Je

Lire - Les chiffres clés de ces 12 derniers mois - français

Lire - Un an plus tard/Yon Lane Apre - français, english, español

 

Gade - 12 janvye 2011: Fristrasyon ak indiyasyon - kreyòl (version anglaise à venir)





 


 

 

Tuesday
Dec212010

Derrière l’épidémie du choléra

Une situation d'urgence

Pou vesyon kreyòl klike isit.

Chaque 30 minutes, une personne meurt du choléra en Haïti.

Au cours des six premières semaines de l’épidémie, plus de 2000 personnes, et probablement beaucoup plus, ont succombé au choléra. Quelque 100 000 personnes ont atteint les hôpitaux, mais d’innombrables autres n’y sont jamais parvenues en raison de la dévastation des routes et du manque de centres de soins adéquats. Le 17 décembre, le nombre officiel de morts s'élève à 2.535, avec un taux de 2 pour cent de mortalité.

Tué par le choléra? Ou par le manque de l'eau potable et l'assainissement?
Photo dans le blog "On The Goatpath" qui documente la façon dont les victimes sont
enterrées dans des charniers communes
.

Mais dans la Grande Anse, dans les premières deux semaines de décembre, la fatalité etait plus proche de 12 pour cent. On transporte les malades sur des planches de contreplaqué, pendant parfois quatre heures, tandis que la diarrhée et la vomissure dégoulinent sur les transporteurs et dans leur sillage, et ainsi on infecte de nouvelles communautés.

Près de la capitale, ily a un géant « piscine excreta » [première page de ce dossier], sans doublure, avec des milliers de litres d'excréments, certaines d'entre elles probablement infecté par le choléra. La fosse est 2 kilometres de la Baie de Port-au-Prince, et au-dessus de l’aquifère du Plaine de Cul de Sac.

Mais, les médias ont couvert le choléra déjà…

Plusieurs médias ont déjà couvert l’éclosion du choléra.

Ils ont enquêté sur qui a apporté le choléra en Haïti. Ils ont discuté comment le choléra fait des « ravages » au pays, écrit d’innombrables histoires sur les élections, les manifestations et les autres sujets d’actualité « au temps du choléra », dans un pays « assiégé » et « sinistré ». 

Cet article sur Sarah Palin, a un titre est truffé d’adjectifs - il parle d’un pays « ravagé par le séisme » et « dévasté par le choléra ».

En utilisant la voix passive, on donne l’impression que ces catastrophes arrivent naturellement, comme la foudre.

Mais c’est faux.

Les Haïtiens ne courent pas tous les mêmes risques. Le choléra est une maladie des pauvres, des sans-voix. Une maladie des pauvres des pays pauvres. Le choléra se propage dans les conditions d’insalubrité, là où l’eau manque et où les systèmes de santé sont insuffisants.

Les épidémies de choléra depuis l'an 2000. The Lancet, vol. 376, 11-12-2010.

Si l’on comprend maintenant que le Vibrio cholera est arrivé en Haïti avec les Casques Bleus et qu’on peut en limiter les ravages avec un accès à de l’eau potable et des installations sanitaires, avec un bon système de santé, une bonne hygiène et des vaccins, on comprend moins bien comment réunir toutes ces conditions avant que des milliers d’autres succombent à la maladie.

Et même si on vainquait le choléra, des douzaines d’autres maladies véhiculées par l’eau menacent Haïti . Selon l’Organisation mondiale de la santé, 1,4 million de personnes meurent annuellement de maladies hydriques – soit quatre personnes par minute – principalement en raison du manque ou de la mauvaise qualité de l’eau et des installations sanitaires. 

Ayiti Kale Je a cherché à comprendre pourquoi et comment Haïti est devenue une zone « ravagée »et « sinistrée ».

  • Pourquoi le choléra s’est-il propagé si rapidement?
  • Pourquoi les Haïtiens n’ont-ils pas accès à de l’eau potable et à des installations sanitaires adéquates?
  • Et si les 164 M$ que demande l’ONU étaient recueillis et que le choléra était endigué, qu’est-ce qui empêcherait une autre maladie hydrique de se propager dans tout le pays?


Lire :

•    Les excréments

•    Le problème de l'eau

•    De l’urgence à l’autosuffisance?

 

Regarder (en creole):

 

Wednesday
Nov242010

Eleksyon 2010 • Élections 2010

(français ci-dessous)

Nan entènet, nan radyo ak nan televizyon an Ayiti, jounalis ak “ekspè” ap pale sou “eleksyon nan tan kolera.”

Y ap diskte manifestasyon kont MINUSTAH, oswa ki jan Fanmi Lavalas pa ladann, oswa ki jan lòt pati ap fè boykòt. Y ap pale sou sondaj, mank lejitimite KEP, epi yo remake pwobleman gen plizyè milye moun nan deplase yo ki p ap ka vote akòz yo pa gen kat elektoral yo.

Tout dèfi sa yo enpòtan anpil, paske yo mete an kesyon lejitimite ak legalite eleksyon palmantè ak prezidansyèl k ap fèt 28 novanm nan.

Men Ayiti Kale Je te deside fouye zo nan kalalou eleksyon yo yon ti kras pou poze kesyon sa yo:

  • Poukisa eleksyon epi eske yo nesesè pou “rekonstriksyon an”?
  • Ki sa 23 lane eleksyon livre jiska prezan?
  • Ki pri – ekonomik ak politik?
  • Ki altènatif epi ki defi?

LI ATIK YO –

Pati 1 - Poukisa epi kisa 23 lane eleksyon fè pou peyi a?

Pati 2 - Ki pri, ki altènatif ak ki defi?

Moso yon entèvyou sou eleksyon 2010 yo

Gade videyo a pi ba.

Sur Internet, à la radio et la télévision en Haïti, les journalistes et les experts parlent des « élections au temps du cholera ».

Ils discutent des manifestations anti-Minustah, ou du fait que Fanmi Lavalass ne participe pas au scrutin, ou encore que d’autres partis réalisent des boycotts. Ils parlent des sondages, du manque de légitimité du CEP, et ils signalent que plusieurs milliers de personnes déplacées ne pourront pas aller voter parce qu’elles n’ont pas la carte électorale.

Tous ces défis sont extrêmement importants, car ils mettent en question la légitimité et l’aspect légal des élections présidentielles et législatives du 28 novembre.

Cependant Ayiti Kale Je a décidé de faire une investigation sur les élections à partir de ces questions :

  • Pourquoi des élections et sont-elles nécessaires pour la « reconstruction » ?
  • Quels sont les résultats de 23 ans d’élections jusqu’ici ?
  • Quel en est le prix - économique et politique ?
  • Quelle alternative existe-t-il et quels sont les défis ?

LISEZ –

Partie 1 - Pourquoi et quels résultats?

Partie 2 - Quel prix et quelle alternative?

Extraits d'un interview sur les élections de 1990

REGARDEZ (en Creole) –

 

Monday
Nov082010

Argent contre... quoi?

Depuis le séisme du 12 Janvier, les agences multilatérales et les organisations humanitaires se sont déployées à travers Haïti avec le programme "cash-for-work” (“argent contre travail”), employant des dizaines de milliers de personnes.

Prises ensemble, ces agences et les “Organisations Non Gouvernementales” ou ONG – le terme est impropre, car beaucoup d’entre elles sont des sous-traitantes directes du gouvernement des États-Unis et d'autres gouvernements – sont susceptibles d’être les plus grandes pourvoyeuses d’emplois en Haïti.

Partout dans le monde, la plupart des médias ne tarissent pas d'éloges sur ces programmes.

Le Monde a relayé joyeusement les commentaires de l'ancien président américain Bill Clinton qui a qualifié le programme de "vraiment important," ajoutant que les Etats-Unis avaient "beaucoup d'expérience dans ce domaine au Proche-Orient et en Afghanistan," et également les commentaires du secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, qui a dit: "Il est vraiment important de donner aux gens quelque chose à faire de positif."

PBS a été ravie d'annoncer que, désormais, «[s]ur tous les trottoirs et dans tous les coins de Port-au-Prince il ya des entrepreneurs."  

Et dans un de ses titres, le Christian Science Monitor a proclamé que "cash for work" aide "la relance."

Es-ce que les programmes cash-for-work aident vraiment "la relance”? Est-ce une bonne chose que les trottoirs soient encombrés de gens qui vendent des biens importés, des vêtements et des chaussures usagés venant de l'étranger? Que cachent les commentaires de Clinton et Ban?

Ayiti Kale Je a jeté un coup d'œil sur les programmes cash-for-work et, dans une série en deux parties, répond à ces questions.

LIRE –

• Qu'est-ce que le cash-for-work?

• Est-ce que le cash-for-work fonctionne? Quels sont ses effets sur l'économie et la société haïtiennes?

REGARDER (an kreyòl)