Élections 2010
Quel en est le prix - économique et politique ?
Malheureusement, Ayiti Kale Je n’a pas réussi à obtenir le coût exact des élections réalisées au cours des 23 dernières années.
D’après ACE Electoral Knowledge Network, qui réalise des études sur les élections au niveau international, l’argent que les gouvernements dépensent généralement pour les élections varie entre un dollar américain pour chaque électeur, dans les pays qui ont une grande expérience électorale, et 45 dollars américains par électeur dans un pays en « transition » comme le Cambodge.
En Haïti le processus de 2005 a coûté entre 49 millions et 70 millions de dollars américaines… cela dépend de quel chiffre on croit fiable. Cela signifie en tout cas que ce processus a coûté jusqu'à 30 dollars américains par électeur, suivant l’un des rapports.
Les Sénatoriales de 2009 ont couté 16 millions de dollars, selon ce que nous avons lu dans la presse.
Le budget des élections de 2010 est de 29 millions de dollars américains. La majorité de cet argent provient de bailleurs étrangers.
Selon un rapport, la mission d’observation de l’OEA/CARICOM, dirigé par Colin Granderson, qui comptera 100 observateurs en Haïti le jour du scrutin, coute 5,3 millions de dollars américains.(Quand Ayiti Kale Je a demandé à Granderson le cout de sa mission il a refusé de répondre).
Un "billboard" géant éclipsée par une montagne de déchets à Pétion-Ville. Photo: Acessomedias
D’après les medias, le gouvernement assure pour au moins 7 millions de dollars le financement des joutes sur les 29 millions. Près d’un million de dollars américains de cette somme est allé aux candidats à la présidence, parce que chaque candidat approuvé par le CEP a reçu 50 000 dollars.
Mais considérant les affiches, les annonces à la radio et la télévision, et tous les déplacements effectués par les candidats, beaucoup d’entre eux ont dépensé plus que 50 000 dollars, cela signifie que les élus, le président, ne représenteront pas ceux qui les auront choisis, comme l’a expliqué Remy.
Les élections en Haïti « coutent de plus en plus d’argent », a admis Granderson, il y a «la dimension américaine avec les posters ». Mais il ajoute que « nous avons des élections avec des candidats très peu connus. Comment donc les faire connaitre ? »
Haïti serait-elle en voie d’adopter le système américain où c’est l’argent qui domine ? Depuis 30 ans, Washington travaille à cet effet.
Outre l’argent alloué au processus formel- enregistrement des électeurs, bureaux de vote, centre de tabulation, et financement de la campagne des candidats- les gouvernements étrangers et les agences internationales, spécialement les américains, dépensent plusieurs millions de dollars dans « l’éducation » politique et la construction de partis politiques depuis 1987.
La France, le Canada et surtout les Etats-Unis ainsi que ses organisations partenaires- comme l’Institut National Démocratique (NDI), l’Institut National Républicain (IRI), et le Fonds National Pour la Démocratie (NED), de même que plusieurs autres agences travaillant ouvertement ou sous couverture - ont envoyé plusieurs millions de dollars pour "encourager" la démocratie.
Leur site Web donne certains détails sur leurs programmes récents, mais ces articles – en anglais, malheureusement – livrent plus de détails et une analyse beaucoup plus correcte.
"In the aftermath of the invasion"
"Democracy Enhancement" by Noam Chomsky
Il y a des cas d’interventions de diplomates américains ou d’autres pays étrangers dans le processus formel. La tentative d’intervention dans les élections de 1990 et le rôle de la CIA dans le coup d’Etat contre Aristide en 1991 sont abordés par plusieurs auteurs.
Remy a vécu une intervention de ce genre alors qu’il était président du CEP en 1995, quand le gouvernement américain a exigé que les bulletins de vote soient imprimés en Californie aux Etats-Unis.
« C’était un cas classique d’ingérence étrangère » se souvient-il. « Les haïtiens s’inquiètent pour l’instant de l’ingérence gouvernemental. L’ingérence du gouvernement haïtien existe elle aussi. Mais…l’ingérence américaine est davantage intolérable ».
Clinton et Aristide en 2003. Photo: Daniel Morel
Selon lui, président Bill Clinton et d’autres autorités américaines ont fait pression pour l’écarter du CEP.
« Ils ont dit qu’ils allaient considérer toute l’aide, toutes les relations entre Haïti et les Etats-Unis », se rappelle t-il. « J’ai fait le pour et le contre…et je me suis retiré… c’est cela l’ingérence »
Quelle alternative existe-t-il et quels sont les défis ?
Peut-être que les élections suivant le modèle américain et la « démocratie bourgeoise » n’offrent pas à Haïti les réponses qu’elle cherche ?
Selon un diplomate comme Granderson ou un politicien comme président René Préval, le système actuel, avec les élections au coût faramineux, est le seul choix.
« 23 ans se sont écoulés depuis le départ de la dictature des Duvalier, et c’est 23 ans d’instabilité politique. Et même si la conférence de New York, même si les bailleurs de fonds ont promis des milliards à Haïti, tant que nous n’avons pas cette stabilité nous ne pourrons pas développer le pays » a déclaré Préval aux journalistes pendant la période du mois d’Avril.
Mais Préval s’est pratiquement contredit. Ces 23 ans de « démocratie » n’ont toujours pas conduit à la stabilité et au « développement ». Où est la garantie que les élections de 2010 donneront un rendement différent ?
Selon Remy la société capitaliste est vouée à l’échec et ne peut apporter que le malheur au peuple haïtien. Il se dit prêt comme beaucoup d’individus et d’organisations à appuyer des élections dans le cadre d’une démocratie « réelle » ou une « démocratie populaire ».
« Même si [candidats] sont de bonne volonté ... ils ne peuvent apporter aucune modification dans [le système]. Il faut en finir avec ce système, » a-t-il dit, et il a ajouté que « déposer un morceau de papier dans une boîte n'est pas la démocratie ».
Mécontentement et cynisme au Chomèy.
Pour lui, le plus important ce n’est pas seulement le type d’élections ou la qualité des représentants politiques, mais la nécessité de « restructurer la société haïtienne ». Remy a ajouté les mots d'un auteur bien connu:
« L'humanité se pose jamais que des tâches qu'elle peut résoudre, puisque, en regardant les choses de plus près, nous trouverons toujours que la tâche elle-même ne se pose que lorsque les conditions matérielles nécessaires à sa solution existent déjà ou sont du moins dans le processus de formation ».
Les élections du 28 novembre auront lieu en dépit de la méfiance de Remy, plusieurs organisations populaires et paysannes, un ensemble de parti politique et d’acteurs nationaux et internationaux.
Peu importe les élus, ils auront à faire face à de grands défis- sans doute les plus grands auxquels le peuple haïtien aura à répondre depuis 1804.
Outre une économie en crise qui – d'après Remy – ne peut offrir rien de plus que ce qu’elle est en train de fournir, le pays a :
- un capital en ruine
- plus d’un million de personnes qui vivent pratiquement dans les rues, sous des tentes, et jusqu’ici sans logement plus de 10 mois après le séisme
- plusieurs millions de personnes qui ont besoin de vrais emplois et non de « cash for work »,
- en plus il y a une série d’acteurs étrangers et d’organisations non gouvernementales qui œuvrent sur le terrain suivant leurs propres intérêts.
Ayiti Kale Je va continuer ce type de travail d’investigation afin d’aider le peuple haïtien ainsi que tous ceux et celles qui veulent une vraie justice et le respect des droits de tout le monde en Haïti, à avoir une vision plus claire de ce qui se passe.
Partie 1 – Élections 2010
Extraits d'une interview avec Anselme Remy à propos des élections de 1990
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