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Partie 2 – Quels sont les défis?

Une enquête de trois semaines par Ayiti Kale Je a révélé que - contrairement à ce que le silence du gouvernement pourrait indiquer - les organisations non-gouvernementales (ONG) et les agences multilatérales et internationales ont un plan pour la relocalisation des 1.3 millions réfugiés vivant dans les 1,354 camps sordides.

Dans la Partie 1, nous avons demandé "Qui est responsable et quel est le plan?"

Et dans la Partie 3, nous demandons "Serait-il efficace?"

Dans cet article, nous jetons un regard en profondeur sur le plan et ses défis

Comment ça se passe?

Le plan, qui est seulement vaguement coordonné, et qui n’est pas encore officiel, est décrit dans un document intitulé  "Stratégie de retour et de relocalisation." Malgré le fait que le document porte la date du 27 Septembre, il semble que les ONGs sont déjà en train de l’appliquer depuis ces deux derniers mois.

Interviews, enquêtes sur le terrain et documents internes obtenus par Ayiti Kale Je confirment les grandes lignes du plan, et aussi le fait qu'il n'est pas dirigé par le gouvernement haïtien. Au lieu de cela, les ONGs et les agences poursuivent leurs propres projets avec une légère coordination fournie par Cluster Logement de l'ONU. [Voir la Partie 1 pour plus de détails.]

Jusqu'à présent, une série de camps ont été fermés, tandis que dans d'autres, les comités ont signé des accords pour les résidents en échange de leurs départs.  Par exemple, dans un camp, le propriétaire du terrain a payé les déplacés 2,500 gourdes (US$63) par personne, et dans un autre, chaque adulte a reçu un contrat de six semaines de travail à 200 gourdes (US$5 par jour). En plus, il y a quelques milliers qui ont quitté les camps spontanés pour des camps planifiés, et environ 15.000 familles ont quitté les camps pour les "logements de transition" ou "T-Shelters" sur leurs propres terres ou des terres louées.

 

Une jeune fille marche par un T-Shelter – structure métallique avec des murs de plastique –
construit par CHF International et financé par US AID. Avec autorisation CHF International

Par ailleurs, selon un récent article du New York Times, certains propriétaires impatients menacent d'expulser les déplacés qui occupent leurs terrains. Depuis Mars, 28,065 personnes ont été expulsées des camps, et 144,175 autres sont menacées d'expulsion, rapporte le Times.

Et tandis que l'ONU et d'autres agences humanitaires ont maintes fois demandé au gouvernement haïtien de déclarer un moratoire sur toutes les expulsions, qui sont illégales selon les conventions internationales, le gouvernement semble peu intéressé à défendre les droits des personnes déplacés.

"Je pense que si nous faisons tout notre possible pour améliorer les conditions de vie, en particulier ceux qui vivent dans les tentes, nous devons également soutenir le respect de la propriété privée», a dit Ronald Baudin, ministre de l'Economie et des Finances, et chef du Comité de facilitation pour la reconstruction du centre-ville de Port-au-Prince, Haïti à AlterPresse, un partenaire d’Ayiti Kale Je, à la fin août.

Et donc, il semble, alors que le Cluster Logement attend l'approbation officielle du document de stratégie ci-dessus [voir la Partie 1 pour plus de détails] - le plan va de l'avant.

Les défis

Voici les principaux éléments du plan et les défis pertinents:

Plan: Le retour sur lieu d'origine – Défi: Qu'en est-il des décombres?

La capitale et les autres villes touchées par le séisme sont encore encombrées par entre 20 millions et 30 millions de mètres cubes de décombres. Jusqu'à présent, seule une petite quantité - les estimations vont de 2% à 10% - a été enlevée. A cause des retards dans le financement, et aussi le fait qu'il n'y a pas d'organisme unique de coordination, l'enlèvement des gravats peut prendre plusieurs années. Un organisme humanitaire a produit un vidéo intitulé "The Rubble Puzzle" (“Le Puzzle de Débris”), mais aucune agence ou le ministère n'a encore déterminé la façon de résoudre ce casse-tête.

Avec l'aimable autorisation de CHF International

Plan: Le retour sur lieu d'origine  - Défi: Qui va financer la réparation des maisons “jaunes” ou le déblaiement des maisons “rouges”?

Selon le dernière décompte de l’Organisation Internationale de Migration (OIM) et du ministère des Travaux Publics (TPTC), il y a environ 50.000 logements qui ont été marqués "rouge" et doivent être détruits et déblayés, et 54.000 à 64.000 autres marqués "jaune" ce qui signifie qu'ils doivent être réparés. Qui va payer pour et coordonner ces deux projets massifs de travaux publics? Au 24 Septembre, les ONG ont seulement environ 15% cent des fonds nécessaires pour les réparations, selon Gehard Tauscher, coordinateur du Cluster Logement.

Evaluation des maisons "rouge," "jaune" et "verte" faite par le TPTC

Plan: Reloger les familles dans 135.000 T-Shelters – Défi: Où mettre les abris?

Actuellement, il y a plus de 300,000 familles dans les camps. Selon l'OIM, 159 749 familles étaient locataires de leur domicile avant le 12 Janvier. Les autres familles se disent propriétaires de leurs terres. Les ONG ne veulent pas donner un T-Shelter à un bénéficiaire qui n’a pas de titre de propriété ou un contrat d’affermage
Cependant, le système foncier d'Haïti est "un désordre complet depuis 200 ans," selon Bernard Etheart, expert sur les questions foncières haïtiennes et directeur de l'Institut National de la Réforme Agraire (INARA).

Les T-Shelters prévus (rouge) et complétées (vert). Notez que Léogane est prévu de recevoir plus de Port-au-Prince. Un membre du personnel Cluster Logement, qui a demandé de ne pas être identifié, a déclaré à Ayiti Kale Je que les ONGs préfèrent y travailler parce que "il est plus facile de traiter la question des terres."

Depuis l’Independence, divers dictateurs se sont accaparé, ont vendu et donné des terres à leurs familles et leurs alliés. Haïti n’a pas de système de cadastre. [Écoutez une entrevue avec Etheart sur la question]

Les ONG sont donc confrontées à des gens qui disent qu'ils «possèdent» la terre où ils vivaient mais qui n'ont pas de titre propre ou, s'il s'agit d'un bon morceau de terre, "il y a habituellement trois ou quatre personnes qui produisent un titre," a dit Deborah Hyde du Cluster Logement de Léogane.

Dans le cas des locataires, avant qu’un T-Shelter ne soit installé sur un morceau de propriété, une famille aura besoin de produire un bail d'au moins un an et, idéalement, trois ans. Les responsables du Cluster Logement ont dit que les ONGs accompagné par les autorités locales, sont en train de négocier des contrats mais il y a 159 749 familles locataires…

Un Powerpoint daté du 4 Octobre et préparé par le Cluster Logement semble déplorer le manque d'action du gouvernement, en notant que

"Aucune terre n’a été mise à disposition pour relocaliser les déplacés vers les nouveaux  camps et cités [sites  planifiés] ; la propriété foncière dans les anciens quartiers est extrêmement complexe; il y a un manque de volonté de prendre des décisions impopulaires."

Plan: Nouveles maisons plus sécuritaires dans les quartiers mieux planifiés – Défi: Pour l'instant aucun code de construction, manque de financement intégral

Diverses ONG ainsi que le gouvernement haïtien ont parlé de nouveaux aménagements urbains avec des maisons plus sûres et zonage approprié, et certaines ONGs avancent des petits projets pilotes. Mais des centaines de milliers de familles ont besoin de logements et le financement n'est pas en place. En outre, le Ministère de la Planification n'a pas encore produit le nouveau code du construction pour lequel les ONG seraient en attente. La plupart des ONG répugnent à concevoir et à construire avant de voir le code. Un directeur d’ONG a déclaré à Ayiti Kale Je "Maintenant, ils disent« Novembre »” pour son achèvement.

Plan: Aménager des nouvelles cités dans les 7.000 hectares de terres – Défi: Cet zone est actuellement dangereux

En raison de sa proximité avec les montagnes dénudées sujettes à des glissements de terrain et des inondations, les 7000 hectares de terres déclarées “d’utilité publique” situées au nord de la capitale ne sont pas adaptées pour l’installation des logements jusqu'à ce que certains travaux de génie civil et de modification soient faites.

"Ils ont des plans pour des camps principaux, mais l'évaluation de la région montre que ce n'est pas si facile", a dit Tauscher.

Il ajoute que la terre n'est pas non plus prête d'un point de vue juridique.

"La déclarer d’utilité publique est une étape, mais les propriétaires doivent être indemnisés, vous le savez, de sorte que c’est plus complexe aussi du côté de la propriété des terres,” dit-il.

Des centaines de personnes ont monté des tentes et des cabanes sur le terrain depuis l'annonce du gouvernement.

Des centaines de personnes ont monté des tentes et des cabanes sur le terrain depuis l'annonce du gouvernement. UN Habitat

Plan: Centraliser la planification et l'exécution  

Ce 12 Octobre, neuf mois après le tremblement de terre, il semble toujours qu'aucun organisme d’état ou ministère ne coordonne un plan d'ensemble pour «le retour et la relocalisation." [Voir la Partie 1 pour plus de détails]

Pour aggraver les choses, les prochaines élections ajouter un autre défi.

"Je ne m'attends pas à des décisions importantes avant les élections et je ne m'attends pas non plus à ce que ces décisions soient prise par le nouveau gouvernement quel qu’il soit dans les premières semaines de son installation," a dit Tauscher.

En plus, en Novembre la Croix-Rouge remettra la coordination du Cluster Logement à l'UN Habitat, un organisme des Nations Unies. Mais un document interne de 28 Septembre présenté dans une réunion de “Cluster Coordination” par le Bureau des affaires humanitaires (OCHA) par Tania Bernath, qui aide à coordonner le système de Cluster, indique que l'UN Habitat n’a pas le profil de l’emploi.

"Il est difficile de comprendre comment un transfert du Cluster Logement à l’UN Habitat aura lieu. Ils effectuent des tâches complètement différentes et leur approche est différente. UN Habitat a démontré presque pas de capacité de coordonner peut-être la partie la plus importante de la réponse. Il n'est pas non plus claire qui est chargé de coordonner les maisons jaune, vert et rouge ... "

Partie 1 - Qui est responsable et quel est le plan?

Partie 3 – Sera t-il efficace?

Le système "Cluster" en Haïti

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