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Impasse?

Qu’est ce qui bloque la reconstruction de la Capitale ?


Partie 3 de 3

Port-au-Prince, 9 juin 2011 – Si deux propositions concurrentes ne suffisaient pas, Ayiti Kale Je (AKJ)  a récemment appris l’existence d’un autre document stratégique d’aménagement très semblable à celui de la Fondation Prince Charles.

Il est peut être normal qu’un client – comme le gouvernement haïtien – paie plusieurs firmes  pour avoir diverses propositions et options ?  Mais 17 mois après le séisme  on se pose la question, on en est à se demander  est-ce normal s’il est normal d’avoir deux plans  concurrents et  toujours pas de décisions ?…cela  parait, pour le moins, assez inefficace.

La firme canadienne de développement urbain, Daniel Arbour et Associés (DAA), est l'un des secrets mieux gardés dans le processus de reconstruction.

Selon de multiples sources, DAA travaille actuellement sur une série de projets pour le Ministère de la Planification et de la Coopération Externe, même si les projets et les contrats ont jusqu’ici bien dissimulés.

Contacté par AKJ, une personne de haut niveau du personnel du Ministère de la planification et qui a demandé de ne pas être cité – étant donné qu’aucun fonctionnaire haïtien n’est censé parler aux medias sans approbation du ministère compétent – a confirmé que DAA travaille en effet sur un document de  « stratégie nationale » de planification urbaine et sur une étude  d’une  « nouvelle orientation spatiale dans le contexte du relèvement ».

Selon l’officiel haïtien, le  travail de DAA  n’est pas une duplication de celui réalisé par la Fondation. « Vous parlez de deux choses différentes » a-t-il dit.

Mais n’ayant pas accès à plus de détails et sans informations concrètes, il nous est impossible de vérifier ces renseignements.

Comme la Fondation Prince Charles, DAA est payé par le gouvernement haïtien.  Le fonctionnaire ne sais pas si DAA a été sélectionné par un appel d’offre et il ne connaissait pas  le montant exact du contrat.

Sollicité  de confirmer la rumeur, circulant dans le milieu des firmes concurrentes, selon laquelle, le contrat aurait couté  $ 2 million de dollars, il a seulement  déclaré : «  le coût  peut être de  plus ou moins  $2 millions ».

Questionné sur la communication et la coordination  entre les ministères et la mairie, le fonctionnaire a admis qu’il y avait des problèmes de communication, en ajoutant «  que ce type de problèmes de communication existait aussi à l’intérieur même  du ministère. »

En dépit des nombreux appels téléphoniques et des messages électroniques,  le Ministre des finances Ronald Baudin n’a pas répondu aux demandes d’éclaircissements,  si oui ou non il y a avait eu appel d’offre et si la stratégie de planification et d’  « orientation spatiale »  de la DAA représentait une duplication du travail précédemment fait par la Fondation Prince Charles.

Le bureau québécois de DAA a transféré toutes les demandes à un représentant en Haïti au moment où cet article était écrit  – René Hubert – mais Hubert n’a répondu aux nombreux messages électroniques d’Ayiti Kale Je.

Jason, le maire Port-au-Prince, a dit qu’il était au courant du projet de la DAA mais « personne de la direction de la compagnie n’avait contacté la municipalité ».

«  Je suis ouvert à toute discussion » a poursuivi Jason, « mais il y a un jeu pour affaiblir le bureau du maire qui veut assumer le rôle principal qui et le sien dans la ville ».

Il y a certainement d’autres raisons à tous ces plans concurrents et  cette bataille pour contrôle, particulièrement la question des contrats éventuels.

 « Qu’on ne se le cache point, la reconstruction est d’abord et avant tout une affaire d’argent et d’investissements. Beaucoup d’argent, » admettait Jason.

Reconstruction de qui? Port-au-Prince pour qui?


Pendant que les ministres et les maires discutent et promeuvent différents plans, Port-au-Prince continue sa spirale descendante.  Chaque après-midi les pluies amènent leur lot de bouteilles en plastique, les carcasses d’animaux, terre, bois, charbon, déchets fécaux, débris et à peu près tout ce que l’on peut imaginer dans les rues défoncées, encombrées et dans les ravines qui se déversent dans la baie.

Un magasin sur deux est fermé ou peut-être davantage.  Certains sont ont été remis en état par leur propriétaire. D’autre ont été rasés.  Mais, il y a très peu de reconstruction car personne ne sait quel plan suivre. Et même pas les planificateurs eux-mêmes.

UN-HABITAT a écrit du document «  Strategic City-Wide Spatial Plan » pour l’agrandissement spatial de la ville relative à la Capital en 2009

Les résultats – qui recommandaient les municipalités prennent le contrôle de leur destin – ne surprendront  personne. Les auteurs ont dit :

Port-au-Prince est  à bien des égards une ville  qui fonctionne mal et est mal dirigé qui a une capacité insuffisante pour offrir à ces résidents les services urbains les plus élémentaires….

L’Etat haïtien et les autorités municipales sont incapable de planifie et de gérer la métropole de Port-au-Prince.   En plus d’un manque de ressources financières… les 8 municipalités partagent la responsabilité de la gestion de la ville avec de nombreuses entités du gouvernement central avec des responsabilités et des mandats flous qui se chevauchent  sans système de coordination.

Les résultats de 2009 sont plus que pertinents en 2011.

UN-HABITAT est impliqué aujourd’hui dans la planification stratégique également.  Selon le directeur national pour Haïti, Adrian Jean-Christophe, UN-Habitat va assister la DAA et le Ministère de la Planification dans leur plan stratégique.

« Nous sommes en train de préparer un grand forum » a-t-il déclaré.

 Interrogé sur les autres plans, Adrian a déclaré : «  ils font tous parti de la discussion ».

« L’idée est d’avoir le leadership nécessaire pour mettre tout cela ensemble » a-t-il dit. «  Nous essayons de créer un espace de dialogue »

La Fondation et l’équipe GroupeTrame / Centre Haïtien de Recherche en Aménagement et Développement (CHRAD), prétendent, les deux, avoir déjà favorisé le dialogue.

Les activités de la Fondation Prince Charles ont été tenues à l’hôtel de luxe du Montana, sur la colline au-dessus de Port-au-Prince. La rencontre du magistrat et Trame/CHRAD du 19 mai – au sixième étage de l'immeuble Digicel – a été « invitation-only » (« sur invitation seulement »). Pa étonnant qu'elle a été un « who's who » de l'élite haïtienne. Une première réunion du Trame/CHRAD – d’à peu près 50 personnes – a eu lieu encore plus haut sur la colline de Pétion-ville, au Karibe Convention Center.  (Quoique, Ligondé est prompt à souligner deux sans abris dans la photo de groupe du l’évènement.)

Rue typique proche du centre ville - près de gravats et d'ordures bloquant une intersection. (C'était avant la saison des pluies.) Crédit: Timo Luege, UN Inter-Agency
Standing Committee

La plupart des résidents, propriétaires de petites entreprises, refugiés, et vendeurs de rue n’ont pas été invités aux sessions sur les plans concurrents qui se tiennent le plus souvent à porte fermée.

Maggy Duchatelier Gaston vit et travaille à la Rue de la Réunion depuis plus de 25 ans.  Le vieux boulangère a déjà mis de ses propres fonds $5,000 dollars US dans la réparation de la boulangerie / bar / école de cuisine Princesse.

«  Aucune autorité n’est jamais venue ici. Personne », Gaston déclarait, même si la boulangerie est située dans une zone d’ « intérêt public ».

Gaston met quelques pâtisseries dans une boite à livrer. Une des rares ventes de la journée. La vitrine géante était presque vide, avec seulement un gâteau coupé en tranches. Elle a rouvrit il y a trois mois de cela, mais les affaires vont mal. Les grandes entreprises, le bureau de la Direction General des Impôts en face, n’ont pas été reconstruits, il y a donc très peu de piétons.

Le boulangère n’a jamais entendu parler de « SOS Centre-ville », le groupe de puissants propriétaires et commençants, et n’a jamais été invité à aucune rencontre avec personne.

«  Je n’ai jamais rien entendu de ce qui était planifié. Nous mourrons probablement avant que rien ne soit fait » dit-elle.

Pourtant, Gaston n'a pas abandonner l’espoir. Le gâteau solitaire en témoigne. Mais un gâteau ne fait pas une boulangerie. Et quelques lots dégagés des décombres n'est pas la reconstruction.

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Les étudiants du Laboratoire de Journalisme de la Faculté des Sciences Humaines de l'Université d'Etat d’Haïti ont collaboré à cette série.

Ayiti Kale Je est une partenariat de AlterPresse, la Société pour l’Animation de la Communication Sociale (SAKS), le Réseau des Femmes Animatrices des Radios Communautaires Haïtiennes (REFRAKA) et les radios communautaires de l’Association des Médias Communautaires Haïtiens (AMEKA).